Les santons, ou névroses d’une région

Petite précision de départ, je n’aime pas Noël et les traditions religieuses ne m’intéressent que dans leurs dimensions sociologiques et historiques.

Les santons, j’en vois, j’en fréquente depuis l’enfance et je les ai toujours trouvés intrigants. On regarde une crèche et avec un peu de recul, on peut se dire: « mais qu’est ce c’est ce truuuc?« .Confiture_Marseillaise_santons_regarder-sous-le-santon

  • Il y a l’anachronisme souligné par les vêtements antiques de Marie et Joseph versus les petites robes en boutis et les capes de berger des autres santons.
  • Les santons ont tous l’air vieux, même le petit Jésus qui semble naître à l’âge de 18 mois.
  • Marie, impeccable après l’accouchement, débout ou agenouillée.
  • Les santons habillés ont le même format qu’une Barbie. (Enfant, je me disais que les santons étaient des barbies d’adulte…)
  • Malgré leur allure surannée, j’ai aussi toujours trouvé les santons très bronzés. Certes, il s’agit de la couleur de la terre qui les compose et ce n’est pas illogique puisqu’ils représentent un peuple qui travaille dehors. M’enfin ils sont bronzés à Noël !?
  • Ensuite, il y a les effets de profondeur accentuée par l’usage de santons tout petits sur l’arrière plan et grands devant.
  • Et enfin, on assiste à la reconstitution d’un monde idéal pour certains, un monde perdu et éternel en même temps puisque les gens ressortent leurs santons chaque année.

Confiture_Marseillaise_santons_Napo-hommeL’origine des santons serait plutôt du côté de l’Italie à partir de la fin du XIIIe siècle. Représenter la naissance du Christ avec des personnages est une façon pédagogique de faire connaitre et de vénérer ce moment. Toutefois, cela ne fait pas partie de la liturgie.

Cette forme de représentation prend son essor au XVe siècle puis est impulsée au XVIe siècle par le concile de Trente.

La contre-réforme (-> en gros, la réaction et les remises en question des catholiques face au développement du protestantisme) provoque de nouveaux mouvements artistiques et de nouvelles dévotions. Les catholiques ont besoin d’unir leurs croyants autour de symboles.

Petit à petit, la vie quotidienne, celle que les gens connaissaient, s’est intégrée à la scène biblique de la naissance du Christ. L’influence de l’art baroque sur les personnages de la crèche rend cette dernière de plus en plus exubérante.
Dans la tradition napolitaine, on habille avec soin les statuettes (parfois marionnettes), on représente des mouvements du corps, des expressions sur le visage. Ces crèches sont étonnement vivantes et gracieuses. Les couleurs sont réalistes mais on y voit beaucoup de drapés. Elles sont fascinantes parce qu’on dirait le portrait exact d’une époque avec les codes d’un tableau de maître.

En France, l’art religieux prend un caractère grave, froid et profond.

Influencée par deux opposés, la Provence va entremêler l’Italie festive et le nord de la France tout en sobriété. (Par nord, j’entends Paris et compagnie, oui.)

Vers la fin du XVIIIe siècle, des santons habillés et articulés sont mis en scène autour de la naissance du Christ. Mais il s’agit plus d’un spectacle de marionnettes (genre Guignol) qu’un objet de dévotion.

Il y a un arrêt des crèches autour de la Révolution jusqu’au début du XIXe siècle où ça repart de plus belle. N’importe qui peut alors faire une crèche chez lui et faire payer l’entrée. Vers 1830, plein de petits spectacles à Marseille mélangent la crèche à des scènes d’actualité absolument anachroniques. Elles dévient sur des gags. Parfois, dans le spectacle, il y a des santons qui se battent… En tout cas, beaucoup aux gens adorent.

Un autre genre est créé: la pastorale. C’est un peu comme une crèche sauf que les santons sont des humains et qu’ils jouent un rôle.

Confiture_Marseillaise_santons_creche-totale

Parallèlement à cela, les crèches familiales se développent dans un style beaucoup plus sobre. Elles sont privées et faites chez des familles plutôt aisées, aux pratiques religieuses sobres et sévères. Ces crèches ne représentent que l’étable, Marie, Joseph, Jésus, des bergers, un ou deux anges. Elles sont parfois vendues comme un ensemble sous verre, ce qui en fait un objet de curiosité dans le cabinet d’oncle Archibald.

A la fin XVIIIe et au XIXe siècle, le marché aux santons et aux santibellis se forme chaque année sur le Cours, appelé actuellement cours Belsunce. Il prend de plus en plus d’ampleur.
Notons que le santibelli est une représentation (qui se veut jolie) d’un saint et que l’on expose chez soi, sur un meuble. En écrivant cet article, je me rends compte que j’ai fréquenté des santibellis pendant des années dans ma famille sans savoir que c’était quelque chose de typique.

Pour les matériaux utilisés, il y a eu des santons avec des têtes en cire, des corps en bois, des santons en cartons moulés.

Au XIXe siècle, on les fait plutôt en mie de pain. On prend de la mie chaude, très malaxée (ça me rappelle les instants d’ennui à la cantine) et on la met en forme avec un moule, uniquement du devant de la figurine. Les vêtements sont également en mie, aplatie. Après un temps de sèche, les santons étaient colorés à la peinture à l’huile, puis vernis. Le problème, c’est que cette technique était chère et ne tenait pas trop dans le temps.

En réaction (d’après ce que j’ai compris…) à l’arrivée inopportune de santons en plâtre du nord, les santonniers provençaux ont massivement opté pour la terre crue au début du XXe siècle.

Confiture_Marseillaise_santons_Femme-a-la-poule

La crèche, telle qu’on la connait aujourd’hui correspond à des codes adoptés dans les années 1830. Entre les spectacles de santons qui se battent et les crèches familiales un peu rigides, une sorte de juste milieu s’installe dans les églises et chez les gens. En effet, si l’Eglise n’a pas spécialement œuvré pour le développement des crèches, il est certain que les curés de paroisse ont dû comprendre que la présence d’une belle crèche dans leur église était facteur d’affluence.

La crèche, chez les gens, s’appelle d’abord la capello. Elle est décrite comme une activité faite par les enfants de la famille autour d’un goûter. C’est sans doute dans ces foyers, que d’année en année, les crèches se sont codifiées tout en laissant les enfants libres de constituer des scènes qu’ils voyaient dans leur vie quotidienne. D’autre part, comme Noël en Provence est nourris de superstitions et que Frédéric Mistral est passé par là, les quantités de croyances et traditions liées à Noël ont été bien notées dans des livres et transmises de génération en génération.

Confiture_Marseillaise_santons_Berger-terre-crueCe portrait du temps présent est devenu celui d’un temps passé idéalisé. On ne voit pas dans les crèches les industries lourdes qui ont fleuri à Marseille au XIXe siècle, ni la violence de la rue, ni les morts du choléra. Cette fossilisation en a fait un art naïf qui présente une Provence intemporelle et codifiée. La Provence est montrée jusqu’à l’invisible, avec par exemple le Mistral qui fait s’envoler la cape des bergers. Mais rien de sale, rien d’inquiétant.

Pour ma part, je dois avouer que même si je n’ai pas spécialement d’engouement pour les santons, je peux comprendre que cette « permanence identitaire » locale comme le dit Régis Bertrand, en rassure certains. La crèche représente la durabilité. Personnellement, je ne vois le durable ni dans la religion, ni dans les traditions, mais dans le mode de vie lent et écologique qui est mis en scène.

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Je conclurai par un remerciement à cette personne qui me soutient tous les jours dans ce que je fais et qui m’a raconté ceci : quand il était petit, ses parents lui ont proposé d’acheter un santon de son choix au marché de Noël. Et lui il a choisi un chameau.

La pompe à huile : délice vegan et local

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La pompe à huile fait partie des treize desserts du Noël provençal; elle en est même la pièce maîtresse.

Personnellement, je m’en prépare toute l’année parce que c’est facile à faire et c’est moins lourd sur l’estomac que la plupart des autres pâtisseries feuilletées ou briochées.
Pourquoi est-ce « léger »? Grâce à l’huile d’olive qui rendrait un parpaing digeste s’il était question de manger du béton. L’huile d’olive est meilleure pour la santé que le beurre. C’est tout l’intérêt de la pompe !

La recette est tellement rudimentaire qu’il est difficile de lui trouver une origine. Quand l’homme a eu du blé et des olives, il n’a pas dû attendre longtemps pour essayer de mélanger les deux.

Cousine de la foccacia italienne (huile d’olive, farine, huile d’olive, sel, huile d’olive, et un peu ce qui traîne pour mettre dessus, huile d’olive), la pompe à huile est parvenue jusqu’à nous avec des nuances plus ou moins fortes d’orange. Cela nous indique, que telle qu’on la mange aujourd’hui, elle doit dater de la fin du XIXe siècle.

Confiture_marseillaise_pompe_a_l-huile_moulin_huile-farineElle porterait ce nom parce qu’on utilisait de la farine pour absorber les dernières lampées d’huile dans la presse du moulin à huile. Or le pressage des olives à lieu au début de l’hiver. A mon avis, c’est un indice pour comprendre comment la pompe a intégré les treize desserts. La farine imbibée de l’huile du moulin formait donc une pâte que l’on transformait en brioche en la joignant à du levain. J’imagine que cette technique, antigaspillage, était aussi utilisée pour nettoyer les jarres en terre cuite dans lesquelles on stockait de l’huile au sein des caves ou des cuisines?
Pour ce qui est de la recette, on en trouve une dite à l’ancienne manière chez Calixtine Chanot-Bullier.
Calixtine (1892-1978) est une bourgeoise marseillaise qui donnait dans la tradition provençale. Elle a écrit deux livres de poésie et un recueil de recettes en provençal (Tacussel l’édite dans une version bilingue Français/Provençal).
Dans Vièii recèto de cousino Provençalo, Calixtine nous donne donc une recette de la poumpo à l’òli qui n’est pas bien pratique parce qu’il faut 10 kilo de farine pour 1L d’huile d’olive, du levain, 1,8 kilo de sucre. On pétrit, on met à lever 12h. Pas plus d’information et aucune notion d’orange. Oui allé, merci Calixtine, je prends le relais.


Ma recette, ma méthode

Si vous voulez des doses, il y en a plein sur internet. Personnellement, j’aime la cuisine à l’instinct.
Je fais mes pompes à huile à l’œil et au goût.

Gras ou pas trop gras?
Confiture_marseillaise_pompe_a_l-huile_eau_huileMon point de départ est un grand verre ou je vais mettre de l’huile d’olive et de l’eau. Si vous voulez que la pompe soit clairement grasse, vous faites moitié huile, moitié eau. Sinon vous pouvez opter pour :

1/3 huile-2/3 eau ou 1/4 huile-3/4 eau.

Dans le 2e cas, il faudra peut être un peu plus sucrer.

Préparer la levure :
Je mets un peu d’eau tiède un petit bol et j’y ajoute la levure de boulanger avec un peu de farine et un peu de sucre. Je mets mon bol dans un bol plus grand et je verse de l’eau très chaude entre les deux pour que la levure puisse bien s’activer. Confiture_marseillaise_pompe_a_l-huile_levure
Attention, il ne faut pas brûler la levure. Elle ne doit pas être au contact d’une eau plus chaude que la température du corps (si l’eau vous brûle le doigt, vous allez la tuer) et on ne la met pas en contact direct avec le sel.

Faire sa pâte :
Dans une jatte, je verse l’huile et l’eau.
J’y dilue en général une cuillère à café de sel de Camargue. Confiture_marseillaise_pompe_a_l-huile_selConfiture_marseillaise_pompe_a_l-huile_ecorce-orange
Confiture_marseillaise_pompe_a_l-huile_huiles_essentiellesJ’ajoute 10 gouttes d’huile essentielle d’orange et parfois quelques gouttes supplémentaires d’huile essentielle de citron. J’y mets une grosse cuillère à café de poudre d’écorce d’orange que l’on fabrique avec les pelures d’orange sèches bio et un moulin.
Confiture_marseillaise_pompe_a_l-huile_eau-de-fleur-d-orangerJ’y mets une dose incertaine d’eau de fleur d’oranger. Moi j’en mets beaucoup, mais certaine personne n’aime pas quand c’est trop fort, auquel cas, ne dépassez pas 2 cuillères à soupe.

Confiture_marseillaise_pompe_a_l-huile_sucre

Pour le sucre, c’est aussi fonction des goûts. Il faut en mettre 3 à 5 ou 6 cuillères à soupe.
Commencez-donc par 3.

Mélangez le liquide avec la farine et attendez un peu que le gluten de la farine s’épanouisse (que la farine s’imbibe seule) puis rajoutez la levure quand celle-ci a bien fait de la mousse et des bulles.Confiture_marseillaise_pompe_a_l-huile_farine
Commencez à pétrir (c’est-à-dire étirer le gluten et ramener en boule et recommencer cette opération pendant 5 minutes).
Parfois quand j’ai pas envie d’avoir de pâte sur les doigts, je mélange à la maryse, mais j’obtiens alors une pompe très bonne mais un peu moins fine.
Et là, pendant que vous pétrissez, il faut goûter pour ajuster le sucre ou le sel. Au palais, la pâte doit être bonne. Si elle ne vous plait pas crue, ça veut dire qu’elle ne vous plaira pas cuite. Donc ajustez.
On doit bien sentir l’équilibre entre le sel et le sucre.

Attendre :
Placez la pâte dans le moule où elle cuira (moi c’est mon moule à tarte), puis mettez-la dans le four éteint. Placez-y aussi un plat ou un bol dans lequel vous avez versé de l’eau bouillante et fermez le four afin de faire une étuve.Confiture_marseillaise_pompe_a_l-huile_four-etuve
A partir de là, attendez minimum 2h que la pâte gonfle. Personnellement, j’aime l’abandonner toute une nuit, voire plus car plus on laisse la pâte travailler, plus le goût de la levure disparaît. Et de temps en temps, je remets de l’eau bouillante dans mon pot.
A cause de l’huile, la poussée de la pompe n’est pas extraordinaire. Ne vous attendez pas à ce qu’elle ait triplé de volume.

Si ça vous fait plaisir vous pouvez essayer de lui donner la forme traditionnelle qui a pour fonction, je pense, de rendre la cuisson plus régulière partout.

Cuire :
Faite-la cuire dans le four à environ 200°C et surveillez-la bien à partir de 10 minutes parce que ça cuit vite.
Elle est meilleure refroidie/ En effet, les goûts de l’huile et de l’orange se révèlent après un temps de réflexion faite par la pompe. Sans doute choquée par sa cuisson, elle a besoin de quelques heures pour comprendre qu’elle a bon goût.

La manger :
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Confiture_marseillaise_pompe_a_l-huile_bol_petit_dejeunerS’il me reste de la pompe et qu’elle a un peu rassie, je la coupe en petits morceaux, je fais de même avec une orange fraîche et je mélange tout ça avec du fromage blanc ou un yaourt. Pour le petit déjeuner, c’est impec.

Confiture_marseillaise_pompe_huile_santon_pompe_a_huileDans les crèches provençales, il y a pratiquement toujours un santon qui amène une pompe à huile en offrande à la Sainte Famille. La pompe est tenue à la main par une ficelle, sans doute pour ne pas se graisser les doigts? Est-ce que cela nous révèle que les anciens trimbalaient vraiment leur pompe comme ça? Je ne sais pas, mais je trouve ce détail amusant à l’heure où nous réfléchissons sur les déchets produits par les surplus d’emballage.

D’autre part, selon les traditions chrétiennes, la pompe se rompt à la main et non au couteau. M’enfin, vous faites comme vous voulez.
Pour respecter une pompe, l’important c’est surtout d’utiliser une bonne huile d’olive fruitée hein.
Je pense aussi que ce doit être très très bon avec du levain et/ou avec du miel à la place du sucre. Mais je n’ai jamais pu essayer.

Cette recette est vegan, elle peut être locale si vous habitez le sud, voire zéro déchet si vous vous débrouillez bien. Voilà pourquoi je l’adore.

Confiture_marseillaise_pompe_a_l-huile_pompe_a_huile_entiere

La conservation des aliments

confiture_marseillaise_conservation_de_aliments_mandarines_pourriesCette idée d’article m’est venue alors que je cherchais dans mon appartement XXe siècle un endroit propice pour conserver des fruits et des légumes, lasse de les manger trop froids ou de les voir moisir trop vite. Et je ne l’ai toujours pas trouvé.

Les provençaux de l’ancien temps mangeaient bio, sans conservateur chimique et sans réfrigérateur. Pourtant, ils arrivaient à conserver du raisin et des melons jusqu’en décembre (je pense aux treize desserts de Noël).

confiture_marseillaise_conservation_de_aliments_glaciaire_sainte_baumeIl existe des glaciaires cachées dans le terroir (cf. la glacière de la Sainte Baume). Mais cette glace acheminée vers le centre-ville était vendue dans la rue à la criée, ou en livraison. Pour le quotidien, elle n’était utilisée que ponctuellement.

confiture_marseillaise_conservation_de_aliments_livreur-de-glace

Alors comment faisaient-ils?
Tout d’abord, on vivait dans des maisons où on pouvait trouver l’obscurité, la fraîcheur et la sécheresse.
La lumière du soleil est l’ennemie de la conservation. Or la cuisine et les celliers étaient sombres. Sur les très vieilles maisons de village, on trouve de toutes petites fenêtres. Sur les maisons agricoles ou sur les trois fenêtres, les volets étaient croisés. Cela protégeait des dégradations du soleil, notamment l’huile d’olive qui elle-même était un conservateur d’autres aliments. Je me souviens que chez ma grand-mère, les volets de la cuisine étaient toujours croisés, été comme hiver.confiture_marseillaise_conservation_de_aliments_volets_clos
Les caves étaient faites pour rester fraîches et stables en température, ce qui permettait de faire du vin, ou le cas échéant de faire du fromage. Les greniers permettaient de garder au sec.
L’emplacement des pièces (parfois des pièces sans aucune fenêtre) de la maison était réfléchi, mais ce sont surtout les larges murs en pierres, maçonnés à la chaux, qui agissaient comme isolant thermique, tout en laissant respirer la maison.confiture_marseillaise_conservation_de_aliments_pommes

La maison n’était pas la seule à conserver. C’était un mode de vie, du temps, des techniques…
Les aliments conservateurs sont (et ce n’est pas un scoop) :
Le vinaigre, l’huile, le sel et la saumure, le sucre, l’alcool …

C’est pour cela que les cuisines étaient jonchées de pots en terre cuite dans lesquels des aliments macéraient au sein de ces liquides. On pouvait trouver des œufs calés dans de la cendre ou de la paille, dans des jarres ou des coffres.confiture_marseillaise_conservation_de_aliments_cuisine_pots

La fermentation est aussi un mode de conservation : fabriquer du fromage permet de conserver les calories du lait.confiture_marseillaise_conservation_de_aliments_fromages_sombres

D’ailleurs, si la matière grasse principale était l’huile d’olive, on pouvait quand même consommer un peu de beurre. Celui-ci était conservé dans un beurrier qui isole le beurre de l’air grâce à l’eau (Empereur en vend). Cela évite qu’il rancisse, qu’il prenne des goûts ou qu’il fonde en été.confiture_marseillaise_conservation_de_aliments_beurrier_a_eau

confiture_marseillaise_conservation_de_aliments_charcuteriePour la viande, faire de la charcuterie est évidemment un moyen de la conserver grâce à du sel et quelques épices, ou parfois grâce à la fumée. La Corse nous indique des techniques de conservation beaucoup plus rustiques et sans doute ancestrales : la misgiscia (il y a quantité de variations de ce terme). Il s’agit de découper des bandes de viande (de bœuf/vache, chèvres, brebis) que l’on fait sécher au soleil pendant plusieurs jours.

confiture_marseillaise_conservation_de_aliments_viande_secheeIl existe plusieurs variantes. On sale la viande avant de l’exposer ou on la fait tremper dans du vin ou du vinaigre salé avec des plantes aromatiques. Cela a pour fonction d’éloigner les mouches pendant le séchage. Pour la consommer, il fallait évidemment la dessaler et s’accrocher à ses dents. Après on la faisait griller, on la mangeait en ragoût ou même crue…

confiture_marseillaise_conservation_de_aliments_tomates_secheesLes fruits sont également mis à sécher :

tomates séchées (source de goût, de vie, de bonheur), figues, prunes, abricots…confiture_marseillaise_conservation_de_aliments_figues

confiture_marseillaise_conservation_de_aliments_raisins-ebouillantes

Pour faire sécher du raisin, on ébouillante des grappes sélectionnées dans une eau parfois aromatisée ou contenant de l’huile d’olive pour tuer les germes, puis on les installe sur des claies. Au bout de quelques semaines, les grappes passent quelques heures dans un four tiède.

Pour garder le raisin frais, apparemment, il faudrait mettre de la cire sur les bouts de la branche de la grappe, ou mettre ces derniers dans un verre d’eau.

confiture_marseillaise_conservation_de_aliments_abricotReste la conservation au sucre : compotes, confitures, fruits confits… Mais ça, on connait bien.

Je regrette que les moyens de conservation des aliments au sein des maisons contemporaines ne soient qu’une prise électrique dans la cuisine pour brancher le frigo. Ce serait super si on avait des caves et des greniers intelligemment aérés. Je suis sûre qu’on gaspillerait moins et qu’on dépenserait moins d’énergie.confiture_marseillaise_conservation_de_aliments_poire

Le mas provençal : principes et extérieur

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Avant d’être une chambre d’hôte ou une ruine sur le bord de l’autoroute, le mas était un habitat rural : une ferme. Les mas sont construits en s’adaptant aux enjeux naturels qui les entourent : le vent, la lumière, l’eau… Tout est pris en compte par les générations de constructeurs qui l’ont fait évoluer.

Chaque mas a son histoire. Je vous propose de partager ce que je sais d’un mas de Châteaurenard. Il a subi beaucoup d’agrandissements. Il se trouve au milieu d’un champ d’oliviers et d’autres terrains toujours agricoles.
Les façades de ce mas comportent tellement de reprises dans la maçonnerie qu’il est comme un cahier sans reliure. Remettre les pages dans le bon ordre est difficile. Par soucis de clarté, je vais m’en tenir à un seul scénario et ne pas m’étendre sur les autres possibilités ni les travaux des cinquante dernières années.

D’abord, quelques grands principes que l’on retrouve dans pratiquement tous les mas :

1. Le mas est construit sur une nappe d’eau ce qui permet aux arbres d’être luxuriants et de faire pousser facilement un potager.

2. mas_mistralIl est orienté en fonction du souffle du Mistral. Les murs qui reçoivent le vent sont dépourvus de fenêtres (la façade nord et les murs pignons). Une cour a été aménagée devant la façade sud. Elle comporte l’accès à l’eau (un puits) et deux platanes plantés devant la maison pour apporter de l’ombre l’été et laisser entrer la lumière l’hiver.

3. Il est construit avec des matériaux locaux : des pierres, de la chaux, de la terre. Le bois est réduit au strict minimum.

4. La maison tient grâce à deux murs porteurs dans lequel un escalier très massif en pierre est calé. Il se trouve devant l’entrée principale de la maison.

5. Tout ce qui est mis en oeuvre dans le mas va à l’essentiel, se veut fonctionnel, sans chichi.


Le premier espace construit du mas est la pièce commune au rez-de-chaussée. C’est là qu’on trouve le feu de la cuisine. Tout le monde dort là, mange là, vit là. Au-dessus, une grange est installée en hauteur. Le mas étant dans une plaine, il fallait garder les ressources à l’abri  en cas d’inondation.
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Le mas a ensuite été agrandi en hauteur et largeur. On a récupéré les mêmes pierres, on en a apporté d’autres et on a gardé les pans de murs qui pouvaient l’être.Mas_etape2_couleur_v2_anote

mas_fenetre_ancienneMais cette fois-ci, le propriétaire a engagé plus d’argent dans ses travaux en faisant appel à des professionnels. En effet, pour former les fenêtres, ce sont de gros blocs de pierre de carrière qui sont utilisés et non plus les arcs de décharge. fenetre_bam_photoEt pour installer ces gros blocs, il faut un charpentier.mas_fenetre_bloc

Le mode de vie de la famille du paysan a dû un peu changer car le premier étage est aménagé en chambre. En général, c’était soit le maître des lieux qui y dormait tout seul, soit le couple principal. Les autres membres de la famille (à part les bébés peut-être) restaient en bas.
Un grenier a été ajouté dans un deuxième étage toujours pour pouvoir mettre la production de la ferme à l’abri. Il est fortement probable qu’une première écurie ou étable ait été construite juste à côté de la maison, mais aucun indice ne me permet de deviner son ampleur.


Châteaurenard étant dans le cœur économique de la Provence agricole, le mas s’est sans doute beaucoup enrichi au point de s’agrandir encore dans un troisième temps. Un bâtiment reprenant les mêmes étages et continuant la toiture élance le mas dans un axe légèrement différent.Mas_etape3_couleur_v2_anotation

Cela a eu pour effet de considérablement agrandir le grenier, ce qui montre que le mas devait vraiment produire beaucoup.
Il est probable qu’il se soit passé beaucoup de temps entre la construction du premier bâtiment et celle de l’autre parce que les poutres les plus anciennes ont dû être remplacées alors que les plus récentes tiennent toujours.
Dans le mur on devine une grande ouverture au centre du premier étage qui devait être une grange.
Le rez-de-chaussée comprenait une étable (elle était encore là il y a 30 ans).


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L’ancien propriétaire m’a indiqué que la grange de ce nouveau bâtiment est devenue le lieu de sommeil des employés agricoles du mas. Cela explique sans doute que des extensions aient poussé sur les côtés. mas_lapinL’une comporte un mur ancien en terre (ou pisé : c’est fragile mais techniquement admirable) et devait abriter un poulailler ou des cages à lapins. L’autre est conçue avec très peu de soin ce qui me laisse penser que dans les années 1930 ou 1940, le propriétaire avait besoin d’un lieu pour ranger ses engins agricoles. Mais je n’arrive pas à expliquer la chronologie de ces deux ouvertures de plain-pied au premier étage.


crepi_photo2Quant à la couleur, elle correspond à un enduit très vieux.crepi_photo
Les mas étaient toujours crépis avec soin. Voir les pierres apparentes à l’intérieur ou à l’extérieur donnait un sentiment d’inachevé (comme si vous laissiez les blocs de béton à nu dans votre salon). D’autre part, cela ajoutait une isolation tout en protégeant la maçonnerie.
De l’ocre était utilisée dans la dernière couche, mais aussi de la tuile écrasée ce qui augmentait l’adhérence du mortier en accentuant ces couleurs chaudes. Dans d’autres cas, la couleur du mas était aussi fonction de la couleur du sable utilisé (un peu plus jaune par exemple).
Chaque année pendant les périodes où les travaux agricoles étaient moindres, on prenait soin de la maison en rajoutant une couche de badigeon à la chaux. Cela renforçait et assainissait l’enduit.porte_moche_photo

Il y a bien d’autres aspects à aborder pour comprendre la magie du mas provençal…

Marseille et l’eau : le Moyen Âge

ma_femme_qui_boit_eauContinuons cette histoire de l’eau à Marseille.

Le Moyen Âge est pour Marseille une période de stagnation relative. On a peur des attaques par la mer. Les villes du littoral se retranchent sur elles-mêmes. La population n’augmente pas et a tendance à rester dans le périmètre antique. D’autre part, il y a un petit recul des connaissances de navigation. On privilégie les étangs de l’intérieur des terres plutôt que la mer.

L’alimentation en eau des habitants est toujours suffisante, mais la qualité et l’abondance de l’eau est inégale sur l’ensemble de la ville. La question de l’eau suit les remous de l’histoire politique de la ville.

 

  • A partir de 950, une administration nouvelle se met en place sur ordre du comte de Provence. Marseille est confiée à Guillaume de Marseille. Il devient vicomte. Or son frère (Honoratus) est déjà évêque de Marseille.
  • Cette famille s’installe durablement en étant à la tête de deux centres de pouvoir : la vicomté et l’évêché. Par le lien d’oncle à neveux, l’évêché reste dans leurs mains  pendant trois générations.
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Abbaye Saint-Victor en 1791 (pardon pour l’anachronisme iconographique. Mais elle est belle non?)
  • D’autre part, en face de la ville se dresse l’abbaye Saint-Victor qui s’enrichit grâce à ses salines, à des donations et à l’entretien de ses multiples propriétés dans le terroir (comme Luminy par exemple).
  • Les vicomtes de Marseille s’allient politiquement avec l’abbaye en se mettant sous le patronage de Saint Victor.
  • L’abbaye prend une ampleur telle, avec l’appui des vicomtes, qu’au cours du XIe siècle, ses propriétés s’étendent de Catalogne jusqu’en Sardaigne. Elle obtient également le monopole de l’Huveaune (de Saint-Menet jusqu’à la mer), qui comprend les fontaines et les sources qui s’y jettent, ainsi que ses rives. Cela permet aux moines d’organiser l’irrigation de leurs terres, au détriment des autres paysans, mais aussi d’entreprendre la construction de moulins à eau.moine_huveaune_couleur
  • Au fil du temps, ce pouvoir féodal  et ces alliances commencent à courir sur le haricot des grands commerçants de la ville qui se voient freinés dans leur expansion économique. Ils arrivent à rester en recul du pouvoir des vicomtes (qui s’affaiblit) de sorte que la ville finit par être divisée en plusieurs centres de pouvoirs.
  • La ville haute est administrée par l’évêque, alors que la ville basse reste le terrain des riches commerçants. La ville basse est mieux alimentée en eau que la ville haute.
  • A partir de 1212, une confrérie se crée dans le but d’unir les habitants riches et pauvres. Il s’agit de la compagnie du Saint-Esprit, qui installe son siège à l’hôpital du même nom  (à l’actuel Hôtel-Dieu). Ils forment un pouvoir politique de plus en plus établi. Ce pouvoir prend progressivement la forme d’édiles (l’équivalent du pouvoir municipal) qui rachètent les droits féodaux aux vicomtes. Ils finissent par contrôler les réserves d’eau du terroir.
  • Face à de régulières pénuries d’eau, la ville épiscopale (haute) s’allie avec Charles Ier d’Anjou devenu comte de Provence. Cela exacerbe le problème.carte_ma_eau_couleur_legende
  • Charles II, fils de Charles Ier, amorce une résolution du problème de l’eau en demandant au Conseil de la Ville d’accorder la permission à la ville haute de construire un aqueduc. Or sa construction traîne en longueur parce que les édiles, en y mettant de la mauvaise volonté, ne veulent pas payer leur part des travaux. Cela dure plusieurs années jusqu’à ce que l’aqueduc soit finalement construit. Il amenait l’eau captée de sources de l’actuel quartier de La Pomme jusqu’à la paroisse Saint-Laurent, en passant par un bassin de décantation.
  • Cet aqueduc sera utilisé du XIIIe siècle jusqu’à la construction du canal de Marseille au XIXe siècle. Il reste une arche, visible à l’hôtel de la région PACA.
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Détail d’une vue de Marseille du début du XVIIe siècle. (Restons critique, cette vue est un peu fantaisiste.) 

 

Marseille et l’eau : la base et l’Antiquité

Le brûloir à café

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Rescapé d’un vieil appartement en travaux, voici un vieux brûloir à café qui permettait de torréfier le café vert. Fabriqué en tôle de fer, il est constitué d’un socle qui permet de faire rouler un cylindre au-dessus des braises.

Au XIXe siècle, le café s’achetait vert.

Les épiceries ont commencé à le torréfier, mais il y avait également des torréfacteurs de café à Marseille, aujourd’hui disparus ou devenus de grandes marques. Je pense notamment à la torréfaction de la rue Abbé de l’Epée qui, il n’y a pas si longtemps, parfumaient encore agréablement le quartier alentour.

Certaines personnes comme mon grand-père dans l’après-photo_bruloir_2guerre, ont continué à torréfier le café à la maison. Était-ce une question de prix, de goût?

En tout cas, les brûloirs à café pouvaient prendre différentes formes. Celui que j’ai récupéré est manifestement fait pour un potager car la manivelle est courte. Il existait des modèles dont le manche était long afin de torréfier le café directement dans la cheminée. Ces brûloirs ressemblaient à des tambourins.

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02_porte_entree03_souffler_feu04_prelever_feu05_poser_feuv206_remplir_bruloir07_poser_bruloirA08_tourner_bruloire_feu
08_B_sortir_cafe09_laisser_refroidir10_mettre_dans_moulin11_moudre_cafe12_faire_lecafe13_transvaser _le_cafe14_apporter_le_cafe
15_servir_le_cafe17_mmh16_non_merci

Tomettes

Cachées par du lino ou déposées. Voilà le drame intime que vivent les tomettes depuis tant d’années. Je les trouve pourtant toujours très belles dans leur simplicité. Il me semble qu’on peut en parler comme d’un patrimoine local, même si on trouve des tomettes ailleurs en France. Aujourd’hui en Provence, elles sont en général dans les cages d’escaliers des 3 fenêtres où elles tiennent le coup tant bien que mal, mais aussi dans les anciennes maisons types bastides ou maison bourgeoise.carreaux_tomette_couleur

Ce sont des carreaux de bonne qualité, capables de tenir dans le temps, ce qui n’est pas le cas d’autres carreaux anciens. Les tomettes doivent leur solidité à la bonne qualité de l’argile qui doit être fine (la main de l’artisan aide aussi à augmenter cette finesse), à la longue cuisson qu’elles subissent et à leur forme hexagonale qui rend les angles plus solides à l’usage (c’est moins pointu).

carreaux_pape_couleursLeur couleur rouge foncé était donnée par un bain d’eau et d’ocre avant la phase de séchage puis de cuisson. On en trouve d’autres couleurs comme au Palais des Papes
à Avignon. Mais cela résulte en général du goût et de la richesse du propriétaire. Le rouge foncé commun a toutefois beaucoup de nuances différentes. Ce sont des matériaux naturels, donc variables.  Dans le cas de restauration, il est toujours difficile de retrouver la teinte exacte des autres tomettes encore en place.

carreaux_cuisine_couleurD’autres formes existaient, notamment pour soutenir le toit, protéger les murs et les potagers (cuisine). On privilégiait des mallons (li maloun en prouvençau, mallon veut dire carreau en général) carrés ou rectangulaires et on les émaillait pour les protéger du contact régulier de l’eau et de la chaleur.

Ils constituent en fait une des grandes caractéristiques de l’habitat provençal qui utilise le moins de bois possible et privilégie la terre et la maçonnerie. Jusqu’au XVIe siècle environ, le sol des maisons populaires était soit sur de la terre battue, soit dallé de pierres, parfois de béton. Je n’ai aucune idée d’à quoi ce dernier pouvait ressembler. Peut-être un mélange de gravier avec de l’argile ou de la chaux, étalé sur le sol? Dans les trois cas, on était face à un problème d’hygiène car, la Provence étant venteuse et poussiéreuse, il devait être difficile de garder son intérieur propre. Les tomettes forment un sol lisse facile à nettoyer, qui tient au frais l’été.carreau_petite_fil_couleurs En ajoutant la proximité des lieux de production, c’était assez d’avantages pour qu’elles se généralisent dans la majorité des maisons.

Bref, des mallons conçus avec un matériau propre à la région, adaptés aux fortes chaleurs des étés bucco-rhodaniens, qui vont avec n’importe quelle déco… Alors pourquoi le lino?

 

 

Marseille et l’eau : la base et l’Antiquité

Le palais Longchamp célèbre l’arrivée de l’eau en 1849 à Marseille avec une certaine grandiloquence architecturale. En effet, creuser ce canal de 80 kilomètres a complètement bouleversé le paysage, les usages et les habitudes de consommation. Mais comment ça se passait avant 1849?

Commençons par le début.Gyptis_protis_tiecharmante_2

Quand les phocéens déboulent chez les celto-ligures autour de 600 av. J.-C. pour créer une colonie, ils s’installent sur la rive nord d’une calanque très abritée, appelée le Lacydon, loin des principales rivières du territoire alentour, Huveaune, Jarret, ruisseau des Aygalades.

En fait pour l’Huveaune et le ruisseau des Aygalades, il ne faut pas dire rivière mais fleuve parce qu’ils se jettent à la mer et ne sont l’affluent de rien.

Le sol marseillais est principalement karstique, c’est-à-dire que l’eau n’est pas retenue en surface mais s’infiltre dans le réseau des anfractuosités du calcaire (roche soluble et tourmentée).riz_karstique

Hem… Quand on verse de la sauce sur de la purée, la sauce reste sur la purée. Quand on verse la sauce sur du riz, la sauce se retrouve au niveau de l’assiette et non pas sur le riz. Là, c’est pareil. Marseille est une assiette de riz (de Camargue IGP bien entendu).

Le terroir parait sec, mais en profondeur l’eau est bien là. On dit souvent qu’il tombe en quelques heures d’orages à Marseille ce qui tombe en un an à Paris. Cette eau est stockée dans quatre nappes aquifères. On pouvait donc trouver de l’eau en surface, à environ 3 à 5 mètres dans le sol ou en forant à environ 15 mètres en cas de sécheresse.

Dès sa création sous l’Antiquité, Marseille boit grâce à de nombreux puits et petites sources.rivage_antique_actuel_port_autonome_colo2

Sous la période hellénistique, les archéologues ont trouvé des installations comme des drains, des conduites, deux sorties d’égout, des bassins… On a également retrouvé un très grand puits datant du Ve siècle av. J.-C. (6 mètres de diamètre pour 10 de profondeur) au niveau de l’actuel centre-bourse, qui devait sans doute être utile aux bateaux amarrés-là.
Un établissement de bains du IVe siècle av. J.-C. a laissé quelques restes au niveau de la Joliette (une salle ronde avec des baignoires individuelles en terre cuite).baignoire2

Sous l’influence romaine, les installations liées à l’eau deviennent plus importantes. Des thermes sont construits à proximité du port et on peut voir les restes sur l’espace Bargemon, à côté de l’hôtel de ville. Ils nécessitent davantage d’eau puisqu’il s’agit de plusieurs piscines à différentes températures. Peut-être a-t-on mis en place un aqueduc pour fournir les thermes? On n’a pas assez d’indices pour en parler avec certitude. Il semblerait toutefois, que ces thermes aient été plutôt luxueux. Si on se remet dans le bain (ahah) de l’époque, il faut avouer que des thermes implantés au milieu d’une calanque à peine urbanisée, avec le climat marseillais qu’on connait, ça devait être le paradis!therme2

Marseille et l’eau : le Moyen Âge

Les bastides

On confond souvent les mas et les bastides. Et Marcel Pagnol, en allant passer ses vacances à la « Bastide neuve », n’a pas aidé à garder la vraie définition dans la mémoire collective. En effet, il part en vacances dans une sorte de gros cabanon.

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Les bastides sont pourtant vraiment caractéristiques du sud de la Provence et constituent un patrimoine monumental important, beau mais souvent en danger.

Qu’est-ce-que c’est exactement?

  • Une bastide est une très belle baraque avec du terrain.
  • Elle sert à la fois de lieu de villégiature pour son propriétaire, mais aussi d’investissement financier. Une bastide a TOUJOURS un versant agricole par lequel elle produit une rente.

Pour éclaircir cela, il faut un peu recontextualiser.

L’habitat bastidaire débute approximativement vers le XVIe siècle, époque où Marseille connaît un essor économique important. Les négociants et armateurs s’enrichissent grâce au port, aux échanges commerciaux que ce dernier rend possibles. Or un propriétaire de bateaux peut tout perdre à tout moment à cause des naufrages, c’est pourquoi il doit mettre en sécurité une partie de ses bénéfices. L’immobilier lui donne cette sécurité. Les bastides apportent aussi des produits de très bonne qualité tels que le vin et l’huile d’olive que l’on échange contre des denrées qui ne poussent pas sur le terroir dans le cadre du commerce méditerranéen. Je pense au blé italien par exemple.

D’autre part, Marseille est une ville plutôt sale (c’est P. A. Vidal-Naquet qui le dit, cf. Bibliographie). Son centre-ville est oppressant, notamment l’été. Quand il commence à faire chaud à la fin du printemps, ces gens riches quittent leur hôtel du centre-ville pour se retirer dans leur bastide pour être au calme, entre eux, pour respirer un air sain et avoir une jolie vue.

En effet la plupart des bastides sont faites pour être à l’abri des regards, mais dégager une longue perspective qui se faufile parfois jusqu’à la mer. Pour illustrer cela, on peut prendre l’exemple de la très belle bastide de Guillermy malheureusement jouxtée par l’A7. Elle est d’une architecture très aboutie avec ce toit coloré et ces volumes. Elle a dû être probablement une des plus belles bastides du secteur. Vous remarquerez en passant sur l’autoroute (dans la direction Marseille) la vue qu’elle domine. Elle voit la mer, la colline de la Garde et si on se remet dans la vue du XVIIIe siècle, les entrées nord de la ville.bastide populo_2_colo

D’autres bastides sont d’une architecture un peu plus rustique (souvent, c’est dû fait qu’elles sont plus anciennes que les autres), mais elles n’en gardent pas moins leur double statut villégiature/agriculture.

L’expansion urbaine de Marseille a grignoté le terroir des bastides et les a parfois intégrées dans le tissu urbain. Il est difficile de donner des éléments infaillibles pour les reconnaître. Disons qu’elles sont souvent massives, de forme plutôt carrée avec de petites fenêtres sur le dernier étage (mais parfois non). Elles sont perchées, clôturée de murs, ne sont pas forcément dans le bon sens par rapport à la route, possèdent des dépendances…

En outre, il ne faut pas les confondre avec les villas du Prado et du Roucas Blanc construites au XIXe siècle qui ont un petit jardin d’agrément, mais qui n’ont jamais eu de vocation agricole, uniquement de villégiature.

La plus célèbre bastide est celle des Borély.
Elle n’est pas la plus typique car elle est plutôt ostentatoire. Elle ne cherche pas à se cacher et vient illustrer la réussite sociale et financière d’une famille. On remarque également que la bastide Borély est perchée sur des terrasses, ce qui lui permet de dégager une perspective sur ses jardins. borely_coloré.png

On peut aussi citer la maison au crépi rose de Luminy qui a été la bastide des Fabre, grande famille marseillaise, la bastide du 10 avenue Alexandre Dumas qui a changé un grand nombre de fois de propriétaires ce qui illustre l’investissement foncier qu’elle était avant d’être un patrimoine familial. Il y en a aussi une rue Jacques Hébert, rue Landier… Les belles bastides sont souvent devenues des mairies, des hôtels, des endroits pour faire la fête de son mariage…

Il existe aussi les cas de bastides qui ont vendu leur terrain pour lotissement et qui ont disparu laissant juste leur portail d’entrée (le croisement rue Negresko/Bd Michelet), soit qui sont entourées d’immeubles contemporains (la résidence les Aloades par exemple située entre la campagne Pastré et la Marine Marchandes, elles-même anciennes bastides!).

Le sujet est vaste et je ne manquerai pas d’en reparler. Pour le moment, il faut ouvrir les yeux quand on se promène dans les rues Marseille et même ailleurs en Provence.
Les bastides sont partout.